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Qui mérite un monument ? Évaluation du sondage sur les monuments

Christina Graf | Traduction : Lea Berger
Sociétés – langues – cultures Droit et politique

Trois cent trente-quatre personnes ont répondu à une enquête de l’ASSH sur les monuments suisses et le traitement des statues controversées.

Les monuments nous rappellent l’histoire, ils informent, ils stimulent la réflexion et ils embellissent l’espace public. Mais remplissent-ils réellement ces fonctions ? Une nette majorité des participant·e·s à l’enquête (78 %) estime que les monuments n’ont plus aucune signification pour la plupart des gens aujourd’hui. La réponse à la question de savoir si les monuments remplissent aujourd’hui une fonction sociale importante est tout aussi partagée : seule la moitié environ des personnes interrogées (55 %) ont répondu par l’affirmative.

Le déboulonnage des monuments n’est pas une option pour une majorité

Les monuments en disent long sur les sociétés qui les ont érigés. Ils incarnent l’interprétation et la conception artistique de faits, généralement par ceux qui ont pu faire valoir leurs points de vue et leurs succès de manière dominante dans la société. Les sociétés, et avec elles les interprétations et les sensibilités esthétiques, évoluent, tandis que les monuments restent généralement tels quels. Que faire donc des monuments qui représentent un courant de pensée qui n’est socialement plus accepté de nos jours ? Pour une nette majorité (83 %), il est clair que le retrait complet des monuments de l’espace public ne saurait être une option.

Avons-nous besoin de nouveaux monuments ?

Oui ! C’est du moins ce que pense la majorité (81 %) des personnes interrogées, pour autant que les nouveaux monuments viennent compléter ceux qui existent déjà et qu’ils ne les remplacent pas. Cette approbation s’exprime également au travers des 479 réponses à la question de savoir qui mérite un monument. Les participant·e·s pouvaient citer jusqu’à trois personnes, groupes de personnes, organisations, événements ou idées. Ils ont nommé, par exemple :

  • Des pionnières du mouvement fémininiste, comme Anna Tumarkin, Eunice Newton Foote ou Christiane Brunner, et plus de femmes en général (22 x)
  • Des chercheuses et des inventeurs (10 x)
  • Des monuments à la pandémie de Covid-19 (6 x)
  • Des enfants placés et autres enfants à l’enfance volée (5 x)
  • Des animaux (6 x)
  • Des sportifs comme Roger Federer (9 x), Didier Cuche (1 x) ou Andy Hug (1 x),
  • Un « monument au politicien de milice inconnu » (1 x).

En outre, des concepts abstraits tels que la paix (3 x), la migration (2 x), « l’être humain » ou « l’institution de la démocratie » étaient également représentés, ainsi que des personnes (groupes) de la vie quotidienne telles que les chauffeurs de camion, les conducteurs de train, les aidant·e·s inconnu·e·s, le personnel soignant, les individus travaillant pour les personnes socialement défavorisées, les médecins et le personnel saisonnier.

La plupart des suggestions concernaient des monuments commémoratifs pour des individus (46 %), suivis par des groupes de personnes (17 %), des événements (14 %), des idées ou des concepts (12 %), des organisations (7 %), des mouvements (3 %) et des animaux (1 %).

Et qui devrait en décider ?

En juin 2021, le Conseil des États s’est prononcé en faveur d’un « lieu de commémoration en Suisse des victimes du national-socialisme ». Cependant, selon la majorité des participant·e·s à l’enquête, les politiques ne devraient jouer qu’un rôle consultatif (45 %) ou aucun rôle (36 %) dans ces décisions. Les scientifiques (71 %) et les groupes de la société civile (69 %) devraient également jouer un rôle consultatif. En revanche, la compétence décisionnelle en matière de monuments devrait incomber en premier lieu aux électeurs et électrices et aux offices et autorités responsables. De manière générale, les personnes interrogées semblent favorables à des processus décisionnels participatifs, auxquels contribuent diverses voix. Seule une minorité était totalement opposée à ce que chaque groupe mentionné joue un rôle actif en matière de décisions relatives aux monuments.

À propos du sondage

Le sondage sur les monuments fait partie du projet en ligne de l’ASSH « Penser un mo(nu)ment! ». 334 personnes y ont participé, dont 60 en français et 274 en allemand. La majorité des participan·e·ts (67 %) ont entre 20 et 59 ans, sont de sexe masculin (65 %) et viennent de la région de Zurich (24 %) ou du « Mittelland » (24 %). Le deuxième groupe d’âge le plus fréquent est celui des plus de 60 ans (23 %). 80 % des participant·e·s ont une formation professionnelle supérieure ou un diplôme universitaire comme plus haut niveau d’éducation atteint.

Une évaluation plus détaillée de toutes les questions ainsi que les données brutes pour une utilisation ultérieure par des tiers seront bientôt disponibles sur le site Internet du projet : https://penser-un-monument.ch

Ce qu’ont dit les répondants à l’enquête

Une sélection subjective de commentaires originaux :

Les monuments, lorsqu’ils sont érigés, le sont en rapport avec leur époque, la culture qui s’y rapporte son environnement historique. Si des années, voir des siècles plus tard, des choses sont à remettre en question (et c’est le cas) ces monuments doivent servir à la remise en question et non être bêtement détruits, il s’agit alors de communication et de reconnaissance publique.
Si cela n’est pas possible, je pense qu’il faudra détruire énormément de choses, comme par exemple les pyramides d’Égypte, construites à la gloire de quelques « dirigeants puissants » et au moyen de dizaines de milliers d’esclaves, arrachés à leurs pays et familles. Ces monuments peuvent donc être considérés comme des symboles du pouvoir contre des peuples mis en esclavage. Et les exemples ne manquent pas.

Le terme « monument » est ambigu en français car il comprend aussi les bâtiments (châteaux, églises, etc.) On ne comprend qu'avec retard qu'il ne s'agit pas de cela (on dirait « monument commémoratif »). Excellent à part ça....

Je l’ai fait parce que j’ai à cœur qu’on laisse en place les monuments de personnages au passé odieux et qu’ils soient accompagnés de pancartes explicatives. Si on les enlève dans quelque temps l’oubli des horreurs s’installe et ... ça recommence ...

C'est dommage de ne pas distinguer entre les autorités: exécutif et législatif sont différents dans leur légitimité.
Pour le jeu il aurait été bien d'expliquer ce que commémore le monument car pour certain, comme le Brahmrösi, je ne sais pas du tout à quoi cela fait référence et on ne trouve rien sur internet. Difficile d'avoir une opinion.

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