Ces vingt dernières années ont vu émerger, dans de nombreuses démocraties libérales, des formes d’organisations inédites souhaitant s’émanciper de la « forme État » par l’emploi d’outils et de pratiques de prises de décisions décentralisées. Or, de manière souvent explicite et dans le but d’y puiser une matière susceptible d’alimenter leurs expérimentations politiques, ces mouvements sociaux n’hésitent pas à mobiliser des travaux d’anthropologues décrivant des sociétés autochtones dites « contre l’État », « anarchiques » ou « qui ont l’art de ne pas être gouvernées ». On pense par exemple aux travaux d’anthropologie anarchiste de David Graeber, fondés entre autres sur des ethnographies de sociétés amazoniennes, qui ont alimenté le mouvement Occupy Wall Street auquel l’anthropologue a participé.
Malgré les critiques que l’on peut adresser aux analyses attribuant à certaines sociétés autochtones un « ethos anarcho-égalitaire », ainsi que les dissemblances historiques et culturelles entre ces mouvements sociaux et les groupes autochtones, notre hypothèse est que ces collectifs paraissent être animés par des préoccupations similaires relatives à une autonomie à la fois du groupe et de chacune des personnes qui le constitue. Ils questionnent d’abord la légitimité du centralisme inhérent aux États, dont les décisions s’imposent à tous et à toutes sans tenir compte des volontés et des spécificités locales. Ils s’attachent ensuite à tempérer l’émergence d’une telle autorité centralisée en leur sein par l’invention de pratiques d’assemblées qui cultivent le droit à la participation de toutes et tous, contraignent ou empêchent la stabilisation d’un leadership entre les mains de quelques-uns ou de quelques-unes de leurs membres.
Ce numéro spécial souhaite rassembler des ethnographies qui mettent en lumière la diversité des aspirations et des modalités de mise en œuvre de cette double autonomie. Comment ces collectifs tentent-ils de résoudre la tension entre autonomie individuelle et volonté de s’organiser collectivement pour s’émanciper des Etats ? Pour fonder ce travail comparatif, les contributions se pencheront sur la diversité des pratiques d’assemblées comme outil de décisions collectives, aussi bien en contexte autochtone que dans les mouvements sociaux qui sont à la recherche d’une autonomie vis-à-vis des États nations.
Dates limites : 30 septembre 2022 (résumés) – 31 janvier 2023 (soumission des articles sélectionnés)
Plus de détails dans la version complète de l'appel à contribution ou ici: https://tsantsa.ch/announcement/view/115
Contacts : Paul CODJIA : paul.codjia(at)hotmail.fr / Raphaël COLLIAUX : raphael.colliaux(at)ehess.fr
