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« Nous nous heurtons aux barrières disciplinaires et fédéralistes »

Fabienne Jan
Recht und Politik

La musicologue Irène Minder-Jeanneret a été élue présidente du nouveau curatorium consacré au Dictionnaire de la musique en Suisse.

Vous êtes l’initiatrice du projet du Dictionnaire de la musique en Suisse (DMS). Pourriez-vous nous dire en quelques mots quelles ont été vos motivations pour la création d’un tel dictionnaire et quelles en sont les missions clés ?

La volonté de créer un dictionnaire représentatif de la musique en Suisse est née d’un besoin objectif : lors de mes recherches sur la musique en Suisse, je suis sans cesse confrontée à des lacunes historiographiques qui me contraignent à faire de la recherche fondamentale. J’aime beaucoup cela, mais ces « détours » par les archives et les manuscrits pour obtenir des informations d’ordre général sont chronophages. Les quelques dictionnaires existants sont biographiques, lacunaires, et/ou dépassés du point de vue méthodologique. Notre dictionnaire, véritable base de données sur la musique créée et jouée dans notre pays, représente un atout aussi pour les interprètes. On choisira en effet plus facilement une partition si elle est aisée à contextualiser, c’est-à-dire si on trouve en quelques clics des informations fiables sur la compositrice, une institution, les circonstances de création.

À l’heure actuelle, la mise en réseau numérique et les contenus multimédia jouent un rôle prépondérant. Que propose le DMS en la matière ?

Il innove radicalement : il est le premier dictionnaire de musique multimédia. Par exemple, l’article consacré à Bernard Reichel (1901-1992) contient une photo portrait, des extraits audio de musique, des dessins de sa plume et une séquence d’un film qui lui est consacré. La version bêta du DMS, dont le volet informatique a été financé par l’ASSH, permet de s’en faire une idée.

Justement, à propos de financement, une question formulée volontairement de manière un peu naïve : comment fait-on pour financer un tel projet ?

L’emploi du terme « naïf » n’est pas si inadéquat : nous aussi, nous étions un peu naïfs. Nous pensions que face à la lacune criante en termes de lexicographie musicale en Suisse, notamment en comparaison avec les autres domaines, le financement serait facile à obtenir, d’autant plus que la démarche s’inspire du Dictionnaire historique de la Suisse, dont il se veut complémentaire. Depuis la constitution du groupe de pilotage du DMS en 2013, nous nous heurtons, avec notre projet à cheval entre musique, histoire, recherche et informatique, aux barrières disciplinaires et fédéralistes.

Cet encadrement fourni à titre entièrement bénévole ne parvient plus aujourd’hui à répondre à la demande.

Par un réflexe bien confédéral, nous en avons fait une vertu : notre dictionnaire, destiné à toutes et à tous les genres de musique, sera élaboré selon le principe de milice. Depuis deux ans, nous formons et encadrons des (groupes de) personnes intéressées à rédiger des articles biographiques. Pour ce faire, elles se basent sur une grille de travail que nous avons mise au point. Toutefois, cet encadrement fourni à titre entièrement bénévole ne parvient plus aujourd’hui à répondre à la demande. Sans plus tarder, nous avons besoin d’une rédaction trilingue qui assure l’encadrement des auteur·e·s et le travail rédactionnel multimédia.

À quoi souhaitez-vous que le DMS ressemble dans dix ans ?

Personnellement, je vois nos 3600 premiers articles du DMS prévus intégrer le Dictionnaire historique de la Suisse, qu’il faudra alors doter d’une volet rédactionnel musicologique pour assurer la continuité et la mise à jour.

Cette interview sera également publiée dans le Bulletin 1/22 de l'ASSH (parution prévue pour le mois d'avril).

Le curatorium dédié au DMS a été fondé par le Comité de l’ASSH lors de sa séance du 25 février 2022 et comprend huit membres. La version bêta du DMS est disponible en ligne depuis février 2020.